PARIS (75) - REVUES


Images de Paris
1921, avril, n° 18, 32 p.
revue libre de littérature et d'art (Imp. G. Subervie - Rodez)
21,5 x 13,5 cm
Ham-Paris, collection Beaurain

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Commentaire :

La couverture précise que ce numéro d'Images de Paris "est consacré à MONTMARTRE". Elle livre également le nom des auteurs (Eugène MONTFORT, Robert BOUDRY, Gabriel-Ursin LANGE, Tristan DEREME, Elie RICHARD) et des illustrateurs (Emile ADLER, Henri BOULAGE, Maurice BUSSET, Raymond THIOLLIERE), ainsi que l'adresse postale du siège de la revue : 14, rue du Cloître Notre-Dame, PARIS (IVe).


L'emblème de la revue se compose de son nom en lettres gothiques, au-dessus d'un paysage urbain dans lequel se distingue nettement la silhouette de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

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[pages de garde]

SOMMAIRE

Illustrations dans le texte d'Adler, Boulage, Busset et Thillière
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GABRIEL-URBIN LANGE : De la place du Tertre au tombeau des Debray
RAYMOND THIOLLIERE : Impasse Traînée (Bois gravé). Hors texte
HENRI BOULAGE : La Place du Tertre (Bois gravé). Hors texte
TRISTAN DEREME : Petit poème
EUGENE MONTFORT : Photographies psychologiques et morales
EMILE ADLER : La Basilique (Bois gravé). Hors texte
ROBERT DOUDRY : Vieux mont coiffé d'ailes de moulins... 
RAYMOND THIOLLIERE : Bois gravé pour orner Vieux mont coiffé d'ailes de moulins...
ELIE RICHARD : Les Mythes de Montmartre
MAURICE BUSSET : Soleil couchant (bois gravé). Hors texte
LES HUIT : Nouvelles des arts. - LE PAL : Les faits divers des lettres et des arts. Editions des "Images de Paris". - La bibliothèque des "Images de Paris".

(Un an 6 fr. - Edition de luxe 20 fr. et 60 fr.)
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NOUS ET LES NOTRES

La Revue IMAGES DE PARIS ne revendique rien que la liberté de tout exprimer dans la meilleure forme ; tout, car rien ne peut être défendu à l'Art ;
Ses fondateurs ne se prévalent, hors des Lettres et des Arts, d'aucun exploit ; ils ne demandent aucun privilège pour n'avoir fait comme tout le monde leur devoir ; ils veulent rester au milieu des hommes vivants et pacifiques.
Elle est ouverte à ceux qui sont las de voir traiter les Lettres et les Arts selon les coutumes de camaraderie mondaine ou électorale.
La vérité est offensée chaque jour et tour à tour pour la satisfaction des doctrines qui se nient, pour la justification de dogmes ténébreux et qui bataillent de la voix pendant que des hommes attendent l'air et l'azur ; cette Revue ne sera attachée à personne ni à rien qui embarrasse son désir de lumière et d'amour.
Elle rêve d'élever une pierre, la tour dans le ciel, et d'y inscrire au milieu des symboles humains et des signes trop vieux, le mot des tailleurs d'images de Chartres : Liberté.

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[page de garde et page 1]

De la place du Tertre au Tombeau des Debray

Le soir était plus doux qu'une âme qui soupire,
L'on entendait les cris des gosses de Poulbot ;
Et le moulin Debray, dédaigneux du zéphyr,
Immobile, traçait une crois à vau-l'eau...
...............................................................
(Poème du soir : Vieux-Montmartre)

A Félix Le Biboul


LA PLACE DU TERTRE, elle pourrait bien être aussi, pour s'exprimer comme Jules Romains, d'une manière pensive, une "puissance de Paris", puissance d'une cellule de la Ville, et qui s'extravase, en petit quadrilatère, alimentée de vie par les venelles St-Eleuthère, St-Rustique, et du Mont-Cenis, place provinciale, presque une sorte de petit parvis, en somme, donnant accès au Vieux Saint-Pierre. Elle est poussiéreuse l'été, mélancolique en hiver, et ce tertre désertique, planté de marronniers, est agrémenté de quelques bancs, mobilier destiné aux gosses poulboesques, car les parisiens montent ici pour voir la Basilique, et découvrir l'horizon de Paris. Cette place est plaisante, parce qu'il s'y trouve une autre mairie qui méritera quelque jour sa plaque : l'Hôtel du Tertre, ou Restaurant de la Marine, à façade timbrée d'une ancre, où le maire Depaquit tient ses assises. Je sais encore telle boutique dont la vitrine s'orne de très classiques "navets" ou telle Maison Catherine, à vague pignon, fondée en 1793, à la façade ornée d'une enseigne peinte à personnages. Place grave de village où devrait d'ériger plus tard le monument dû à la gloire des artistes de ce pays, - mais qu'on préfèrera démolir ! Je laisse aux xylographes et autres, le soin de graver les lignes mouvantes de telle rue Norvins [ou] St-Rustique, à l'enseigne du Franc-Buveur, ou l'aspect d'une impasse Trainée (sachez qu'une traînée est une fosse recouverte d'une trappe pour attraper les bêtes nuisibles), et je m'achemine vers l'église Saint-Pierre, si rapetissée par le voisinage de la puissante Basilique. Elle contient, à défaut de mobilier, les corbeilles romanes de ses chapiteaux, deux pierres tombales à personnages gothiques, semées de fleurs de lys, un soupçon de triforium, et le tout réalise un ensemble de fort noble allure ! Mais on devine un monument vide, abandonné et restauré. Elle a des béquilles cette belle vieille église rurale. C'est, dans Paris, avec celle de Bagnolet, une des rares églises que le charnier jouxte encore. On apprécie ce coin de solitude absolue, romantique, sur la colline ! D'ici, la Basilique Mineure apparaît dans tout son développement savant, et monotone, sur le trémail délicat des branchages... Des noms blasonnent les stèles, et ces noms sont comme des airs connus, retrouvés : Princesse Galitzin, général russe de Swetchine (sont-ce là des russes restés deuis l'invasion de Montmartre en 1814), Fitz-James, de Vaudreuil, un ou une La Tour d'Auvergne (il ne reste plus qu'un fragment de pierre !), des Touche et d'Houdetot, et, aussi, la tombe de Félix Desportes, premier maire de la commune en 1790.  Quel fracas dans cette solitude, alors que, dans un coin, une modeste pierre tombale de l'époque révolutionnaire commémore le souvenir d'une enfant de deux ans : "Ici reposent les cendres bien pures de l'innocence de ..."


Mais les tombes les plus émouvantes, dans ce paysage en grisaille de janvier, sont celles des meuniers Debray et du navigateur Bougainviller. On peut les placer, en quelque sorte, sur le même plan. Ces tombes sont vénérées ! Le tombeau des Debray est un genre de cénotaphe composite, tout moderne, mais on a eu le geste touchant de sommer la croix de ce monument, d'une copie en métal du dernier moulin Debray, de telle sorte que les ailes de ce moulin forment une dernière croix, qui est de Saint-André, sur la tombe. Plusieurs Debray reposent là... On lit :

Pierre-Charles Debray
Meunier Propriétaire à Montmartre
Décédé le 30 mars 1814
Tué par l'ennemi sur la butte de son moulin 


La tombe de Bougainville est contre la nef. C'est une colonne brisée précédant deux stèles qui, elles-mêmes, recouvrent des membres de la famille du marin. La tombe d'un marin à Montmartre ! Nous voicin bien loin des fantaisies marinières de la place du Tertre ! "A la mémoire, psalmodie la pierre, de Louis-Antoine de Bougainville, Officier général de terre et de mer, le 1er circonnavigateur de France, 1729-1811, et de son fils puîné Amand de Bougainville (Charles-Augustin), 1785-1801, leurs cœurs sont déposés sous cette pierre."

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Les arbres ont grandi follement sur certaines tombes dont ils éternisent, vivaces, le souvenir ; des tombes s'enfoncent dans le sol inégal, et des dalles toutes moussues, montrent des lambeaux de textes pompeux, des fragments d'épitaphes louangeuses, comme on les aimait vers 1820, accompagnées de références savantes sur les Ecritures. Une cloche sonne, appelant à Vêpres et, lourdement, comme un gong barbare, la Savoyarde remue. C'est un glas !


Ah ! je n'entreprendrai pas l'histoire de Montmartre ; il y faudrait trop de volumes, tellement l'histoire humaine se greffe ici, sur l'histoire archéologique. Le paysage est sentimental à Montmartre ! J'ai souvenance que ma première visite d'enfance fut pour la Savoyarde et pour le panorama où, moyennant quelques sols, on pouvait considérer de poétiques vues de la campagne de Judée : vision de Jérusalem, visions de tombeaux d'Israël dans la vallée de Josaphat. Cet immeuble délabré existe encore, avec sa façade d'architecture hétéroclite, portant les écus de Jérusalem à la croix de gueules sur champ or. Il sert d'observatoire pour les touristes. J'ai essayé de retrouver un souvenir ! C'était d'une tristesse affreuse ! Mais de là-haut, en dehors de la vue sur la ville drapée dans son manteau soiral, on pouvait mieux voir, près des seins rosés de la mosquée, la vieille nef Saint-Pierre dans tout son développement !


 Il est curieux de noter que le nom de S. Denys, premier évêque parisien, compte peu sur la colline. S. Denys avait sa rue qui est devenue rue du Mont-Cenis, alors qu'Eleuthère et Rustique continuent à baptiser leur rue. Sans doute, après le supplice, ainsi que le content nos portails populaires de cathédrales, il descendit la colline tenant sa tête nimbée, et , marchant l'espace de deux milles, il dût s'arrêter en un lieu où s'éleva la basilique des Rois. Notez que Denis signifie descendu de Dieu, et que Denis, descendu du Mont où il avait obtenu la palme d'éternité, devait être, mort, la pierre angulaire sur laquelle se fonderait la basilique des rois dont le pouvoir était de source divine. Il est une autre légende. On dit que lors du supplice, le coup de glaive du bourreau fut si rude, que la tête dévala avec violence la colline, roula, roula jusqu'à la Seine. Elle suivit le courant, et plus d'un guetteur de château-fort, voyant cette étrange lumière, dût s'étonner ! Le chef nimbé alla échouer à la pointe extrême du pays de Caux, et le village bâti dans ces lieux fut appelé longtemps Saint-Denys-chef-de-Caux. Une église, dédiée au Saint, fut construite sur cette pointe. La mer rasa la terre, et engloutit l'église. Par la suite, ce lieu prit le nom de Sainte-Adresse, les marins évoquant non seulement S. Denis, mais aussi Sainte-Adresse, à cause que l'adresse était aussi nécessaire que le secours du Saint.
Maintenant je parlerais bien encore de Mercure, d'une Abbesse de Montmartre adorée du Vert-galant (qui décidément a couché partout), ou de cette Gabrielle de la "Henriade", autre Agnès Sorel, -mais j'abandonne ce motif aux archéologues, car les dates me font peur, et aussi les vieilles pierres qui s'écroulent...

GABRIEL-URSIN LANGE.
Janvier MCMXXI

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Petit Poème
"Et de ce le poëte Archilochus qui fut
de ce temps-là a fait mention en un vers
lambique trimètre."

Hérodote. - Pierre Saliat, trad.

Je dirai pour l'instruction des biographes
Que ton corsage avait quarante-deux agrafes
Que dans tes bras toute la nuit j'étais inclus,
Que c'était le bon temps, que je ne quittais plus
Ta chambre qu'embaumait un pot d'héliotrope.
Pellerin habitait Pontcharra et Carco
Quarante-neuf, quai de Bourbon, Paris. Jusqu'au
Matin, je caressais tes jambes et ta gorge.
Tu lisais Chantecler et Le Maître de forge ;
Tu ignorais Laforgue, estimant qu'avec art
Ecrivent seulement Botrel et Jean Aicard.
Mais au long du Viaur, embelli de ses rêves,
Frêne, pâle et barbu, méditait sur les Sèves,
Et Deubel, revêtu des velours cramoisis,
Publiant au Beffroi ses Poèmes Choisis,
Déchaînait dans les airs le tumulte des cuivres.

Et j'aimais beaucoup moins tes lèvres que mes livres.

Tristan DEREME.


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Illusions
J'aurais un appartement magnifique, une chambre magnifique, une armoire à glace à trois portes, tu sais, une salle à manger magnifique - et je mettrai beaucoup d'argent de côté pour quand je serai vieille.


Viens donc
Venez donc... A côté, dans l'ancien hôtel à Sarcey. Vous n'avez pas le temps. Vous avez bien un petit moment. Vous verrez, je suis en train aujourd'hui. C'est vrai!... Oui, il y a huit jours que mon ami est parti ; je suis veuve depuis huit jours ! Où qu'il est parti ? - En Algérie... Viens donc..., viens donc, tu verras comme ce sera bon. Je ne sors pas souvent, moi, tu sais ; je reste à Auteuil. Tu viendras me voir ?... Tu verras, j'ai des bêtes ; j'ai des poules et j'ai trois chiens, j'ai un grand danois qui mange pour quatorze sous par jour... Quand il n'y a plus rien, il faut bien que je sorte... Tu viens pas ?

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Taverne
Le gérant, un homme énorme :
- Mon frère ? celui qu'est chez Graff ? A côté de lui, j'existe pas, j'suis de la saint-jean. L'autre jour il en a esquinté huit ! Il est terrible !... et pas méchant.
Au comte :
- Offrez une bouteille de Champagne ; vous monterez sur ma jambe. Pour ça, elle ne pliera pas ! Allons ! pour montrer à monsieur...
- Non... non... Je suis un peu gêné...
- Oh! râleux ! ... Et c'est riche ! C'est myionnaire ! ... Et c'est parent aux plus grandes familles.

Fille et Anglais
-... Enlève voir ton chapeau. Dis donc, Germaine, il a les cheveux tout rouges !... Oui, t'es encore plus laid sans ton chapeau, rosbif ! (L'anglais rit.) Et sa bouche, Germaine ! T'as vu sa bouche ? Ah ! ce qu'il en a de l'or dans la bouche ! (L'anglais rit.) Ah oui ! ah ! t'es joli... T'es riche ? (Elle le tâte et l'examine bien.) Oh ! Qu'est-ce qu'il a au bras ? Montre voir ton bras. Il est tatoué ! C'est hun apache. (L'anglais rit) Oh ! ris encore un peu !  ris ! ah ! qu'il est laid ! ... (L'anglais s'éloigne.) Alors, tu t'en vas, ma jolie ! Oh non ! t'en vas pas ! Oh non ! ça nous fait trop de peine !


Place Clichy (la nuit)
Une fonte devant la pharmacie.
"... C'est une femme qu'ils ont assassinée, avenue de Clichy... Elle est morte... L'assassin est là-dedans aussi, il a trois balles dans la tête...
La porte s'ouvre. Il sort, entre deux agents. Un petit, maigre. Il se raidit. Il dit d'une voix traînante, pour crâner, pour narguer le monde ! : "Ah ! le pauvre homme... Ah ! le pauvre homme !..." On se presse pour voir, on le regarde en silence, à la lumière du réverbère. Il est tête nue, en bras de chemise ; il a du sang derrière l'oreille. Les agents le font monter dans un fiacre et l'on pense que, comme ça, sans rien, les mains vides, avec juste sur la peau sa liquette et son pantalon, le voilà qui part pour très longtemps et pour très loin.
Un peu après, la femme sort ; le corps est complètement étiré, la bouche tordue dans la grimace d'une souffrance à crier qui veut rester muette ; grande, ébouriffée, elle est tragique, avec sa robe défaite et plaquée sur le corps. On palpe des yeux pour trouver la place des trous qu'a fait le couteau.
Les femmes : "Ah ! celle-là, elle était terrible !... J'aurais préféré avoir à faire à un homme qu'à elle !... Elle battait toutes les femmes ; les hommes se sont vengés... Ils sont terribles les hommes maintenant, ils ont des lames longues comme ça..."
Le tremblement des voix.

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Cocher de nuit
- Vous mettrez bien quatre sous de pourboire ?
- Deux sous.
- Vous êtes donc fauché aussi ? Tous fauchés alors ?...
Allons, montez, je vais vous emmener...
- Eh bien, cocher, ça va, les affaires ?
- Ah ! pas bien fort, monsieur, avec les automobiles ; maintenant tout le bon client d'aut'fois, vous savez, il prend des automobiles. Le fiacre vaut plus rien. ET l'auto, il a battu aussi la grande remise. N'y a plus guère que la voiture à galerie qui travaille encore, pour les départs, vous savez. Mais combien de temps ? - deux mois dans l'année !
- Alors vous n'êtes pas content ?
- Oh ! moi ! C'est pas la même chose. Moi, je fais la nuit. L'après-midi, je ne fais rien, mais le soir, je gratte... Tenez, je ne sais pas ce que j'ai ce soir ; je trouve des clients tout le temps, j'arrête pas ; je viens de faire douze francs en trois heures de temps... J'ai ma place Pigalle, ma rue Duperré, tout ça... Tout à l'heure, que je retourne à la place Pigalle, je fais encore quelqu'un, j'en suis sûr... Il y a les poupées ; elles me connaissent toutes ; Louis, par ci, Louis, par là... Je ne suis pas maquereau, seulement quand elles me disent : "J'ai pas d'argent, descends moi au boulevard, j'te ferai gagner, après ", je marche, et elles, quand elles ont trouvé un michel, c'est tout de suite : "Psitt, Louis !" Elles sont pas méchantes filles. Elles ont une craquette, c'est pour s'en servir... Faut bien gagner son pain ; et le cocher aussi...
Ah ! vous voilà chez vous ! 10, 12, 14, voilà...merci, monsieur, à la prochaine...

 

Un café
Le monsieur. (Montmartrois). - Comme elle est intimidée ! Il n'y a pas longtemps qu'elle travaille ?
La vieille. - Elle ne sort que depuis quinze jours.
Le monsieur. - Est-ce qu'elle a du goût ?
La vieille. - Mais oui. Dans deux ou trois mois, elle ira bien ; elle sera même peut-être trop dessalée alors...
Le monsieur. - Je vous intimide, mon enfant ?
La petite. - Non, monsieur.
La vieille. - Elle est drôle. Il y a longtemps que nous pourrions être rentrées. Elle en a manqué trois. Un type très bien, jeune, chic, gentil ; elle n'a pas voulu. "Quand il me donnerait cent francs, je n'irai pas avec lui." Il disait : "Mais une demi-heure..." "Non." - Quand il a été parti, elle m'a dit qu'il lui faisait peur. Elle préfère les vieux, ils l'effraient moins. Elle est difficile, mademoiselle ; elle choisit.
Le monsieur. - Et moi, est-ce que je vous fais peur ?
La petite. - Non, monsieur.
La vieille. - Il faut être doux avec elle, il faut lui parler poliment.
La petite (regardant la vieille). - Oui, on obtient tout de moi par la douceur, rien par la colère.
La vieille. - Elle a sa tête.
(Une pause.)
La vieille.- Elle est fatiguée, elle voudrait bien se coucher.
Le monsieur.- Allez la coucher, allez !
La vieille.- Oh ! nous allons rester encore un peu...
Le monsieur. - Elle a une jolie oreille. Pourquoi se coiffe-t-elle comme ça ? Il faudrait montrer les oreilles.
La vieille.- Elle a aussi un joli front. Mais elle veut mettre ses cheveux sur son front. 6 Ah ! elle n'est pas commode !
Le monsieur. - Voyons, il faut être plus obéissante que cela, mademoiselle... Quel âge a-t-elle ?
La vieille. - Elle a eu dix-sept ans hier.
Le monsieur (poli).- Mais c'est déjà une grande personne... (Un temps) Bonsoir, mesdames.

Eugène MONTFORT

***


Montmartre
à Thiol.

Vieux mont coiffé d'ailes de moulin
Comme une tête de bambin
toute fleurie de papillotes
ta joie narguait la Ville triste.

Tu croyais que tes Artistes.
tes Faiseurs d'élégies falotes,
avec des guitares et des mandolines,
sauraient te défendre, ô Colline,
contre la laideur de la Ville, 
et ta folie n'entendait pas,
comme un branle-bas de combat,
gronder sa rumeur hostile.

Peu à peu, insinueux,
les cubes blancs des maisons neuves,
les cylindres des cheminées
ont enlisé la plaine d'où ton roc émergeait ;
et, tandis que ton rire agitait ses grelots,
la Ville t'a sauté sur le dos,
et comme un bon rétiaire t'a pris dans son filet.

Alors, vieux Mont, tu fus dompté ; 
toute une ruée d'étrangers
sur ton crâne pelé s'abattit
et s'incrusta dans ton maquis.

***

Ton sol fut écorché, crevassé, taraudé,
de grands murs nus cassèrent les ailes de tes moulins et la Cité
pour mieux étouffer ta gaieté
te coiffa d'un bonnet de coton empesé
comme d'une calotte un galérien.

Allons, ferme tes yeux sous ton bonnet de nuit ; 
endors-toi, Mont de Mars, au ronron de l'ennui,
jusqu'au jour où les bons bourgeois,
bavant de peur sur leurs chemises de flanelle,
apercevront à leur réveil,
impudique, dans le soleil,
ton Sacré-Cœur gonflé, ainsi qu'une mamelle,
asperger la Cité, la laideur officielle
et la bêtise universelle,
des torrents de ce lait que sucent les Artistes,

ô, Butte Sainte, chérie des âmes fantaisistes.

Robert BOUDRY


***
Les mythes de Montmartre
à Paul Léautaud


Le vrai Montmartre, ce n'est pas cela, cette piteuse fête où la fantaisie, quoi qu'on dise, n'est que dans l'esprit des gobeurs qui paient, des voyeurs trop timides pour se donner des liesses de Fermiers-Généraux en de fastueuses folies. Il y a un autre pays de Montmartre qui ressemblent fort à d'autres cantons de Paris, c'est-à-dire qui a une vie quotidienne de labeur, de plaisirs humbles, à peine traversée par des théories hebdomadaires d'étudiants et de rapins, qui braillent pour nous insinuer qu'ils s'amusent.
On le connaît à son beau visage et son esprit fin, sur les six heures et demie du soir.


Une foule qui revient du centre actif de Paris, gravit le mont de Mars. Sans déplaisir, on voit, au bout des perspectives, la pâle image du Sacré-Coeur. Trois ananas oblongs, trois seins de divinités asiatiques, saillissent de la fanfreluche en zinc des toits, dans un ciel de perle. Au crépuscule apaisant, une autre vie commence. Les marchandes, au bord du trottoir, proposent en criant d'une gorge acide, la douceur des violettes, la fraîcheur des primeurs d'Espagne, les légumes familiers ou l'acre marée qui reluit au premier gaz.
A mesure qu'on monte, la foule qui était encore dense au pied du mamelon, s'égaille. Dans des rues roides qui sinuent, lentes, comme au pas d'un pesant équipage, les hommes vont à leurs occupations du soir et au repos. Il y a des venelles anciennes et des places provinciales à peine troublées par des clameurs d'enfants qui règnent, ici, sur le pavé. A la place du Tertre, on découvre que c'est un village où nul charroi ne trouble un demi-silence.
Et puis, du socle de la lourde basilique, on possède d'un regard la mer ronflante de Paris, piquée de feux disséminés et qui clignotent au vent agressif du large, la ténèbre océane trouée de lueurs flottantes.
Les jazz-band et les flons-flons qui marient, ci et là, leurs vacarmes frénétiques, ne tiennent pas devant ce spectacle. On ne sait pas si c'est le grincement d'une girouette ou l'appel d'un matou dans la nuit. Les indigènes, d'ailleurs, ne font aucun cas des plaisirs mercenaires qui se sont établis à côté de leurs maisons calmes. Ils considèrent les boîtes comme des fournisseurs que l'on ne fréquente pas.
Vers 1900, quand nous voulions nous donner une fête, nous allions aux berges de la Seine ou nous gravissions la butte. Ici il y avait encore des terrains vagues et des chantiers de démolisseurs, où mener des courses enivrantes. Le cinéma ne nous avait pas donné le goût des aventures policières et américaines. Mais, puisqu'il faut bien un élément de rêve actif à de petits citadins emprisonnés dans des horizons de murs, nous nous jouions, parmi Montmartre, du Gustave Aymard et du Dumas, du Cooper et du Jules Verne.
On nous menait aussi à la Basilique qui s'évadait de son travail d'échafaudages. Nous avons donné notre obole pour cet édifice qu'encore nous n'osions comparer à un sucrier gigantesque. Notre participation est marquée en grandes lettres rouges, sur quelque pilier balourd ou quelque voûte prétentieuse. L'ardeur capiteuse des pèlerinages où s'effument les milliers de cires, les oraisons, les encens et les cantiques, nous enlevaient dans le lacis des processions autour du temple du Cœur divin.
On venait à ces mystères par des ruelles qu'on a débaptisées et écartelées, et on mangeait, en des refuges de planche, debout, pèlerins au bord d'une lettre promise. C'était beau comme des voyages, malgré les prônes endormeurs et les génuflexions harassantes.
Nous n'avons plus gravi le haut-lieu pour ce rêve-ci, où nous répétions un geste bien antérieur au culte de Jésus.
Nous y sommes revenus avec une grande foule, un jour. Elle serpentait depuis la plaine de la Trinité, jusqu'au cimetière. On enterrait Zola. Des hommes processionnaient en discutant d'un évangile, nouveau, disaient-ils. Devant la porte des tombeaux, les soutiens de la paix nous vinrent disperser, badauds et naïfs, à coups de sabre. Il est bien que Zola, qui a tant aimé Paris et Montmartre, y dorme. Son art romantique pourra bien passer, mais non pas son rêve qui ne différait pas tant de celui du cœur qui promet l'éternelle vie à ceux qui ont beaucoup aimé.


Depuis le jour où les carrières de Montmartre, sommées de moulins, ont été abandonnées, ç'a été une lutte entre la bâtisse et la nature. Des boulevards plantés par Louis XV, on découvrait à l'horizon des champs, derrière la Grange-Batelière et son ruisseau, la butte crayeuse, croisée par les signes maigres des mouliniers et pavoisée de vignes. Puis, la muraille "de boue et de crachat" des Ventres-Dorés ceintura à demi la colline qui devait être rebaptisée au nom de Marat ; les clôtures de l'abbaye séculaire s'effritaient de plus en plus. Les vagues de Paris ont eu vite fait de sauter le mur, et d'assaillir le sommet inspiré. Longuement, la bonne terre a lutté, avec ses jardins, ses treilles et ses bosquets. Le maquis, il n'y a pas longtemps, tenait encore.
On poussait une porte, parfois, et passait une barricade. C'était un fouillis de végétation, quelques arbres tourmentés d'un mal et des fourrés arborescents ; une maison mussée dans les feuilles apparaissait au bout d'un sentier ardu. Le dernier carré a cédé. Rien que des murs à pic, quelques arbres encagés ; et, dans la rue du Mont-Cenis, paysanne hier, on, cherche aujourd'hui l'immanent ascenseur des escaliers roides.
En 1913, derrière le moulin, désaffecté et boiteux, de la Galette, sur des tronçons de murs, en des jardins piétinés, des enfants barbouillés, discords, guidaient, dans un large morceau d'azur, traversé de brises fraîches, des cerfs-volants vertigineux. Il y a maintenant de belles voies qui paradent sous l'uniforme, archaïque déjà, de la pierre de taille. La colline, par endroit, résiste encore, et montre son épaule de craie emprisonnée d'étais. Mais il ne faudra pas dix ans, pour qu'elle soit définitivement écrasée.



Cependant, il est de braves gens qui veulent sauver ce qui se peut. Ils se syndiquent pour le sauvetage de l'esprit montmartrois. La gloire hôtelière, les méthodes épicières, les lancements touristiques hantent leurs projets. On va lancer -relancer- l'esprit montmartrois comme le Globéol ou un roman de M. Pierre Benoit. Ce n'est pas en grief que je leur impute, et que je note qu'ils ne sont pas du pays, ni de Paris, ni souvent de France. Ils ne sont pas les premiers immigrés qui veuillent renouer les traditions. Une littérature a monté l'esprit montmartrois. On imagine une fumée, celle qui s'évade des flacons de champagne. Il plane évidemment et s'éperd. Dès lors, sa nationalité est aussi indécise que celle des Turcs.
Mais la population courante est la même que dans toutes les villes parisiennes, c'est-à-dire mêlée et d'alluvion. Il y a peut-être quelques peintres de plus qu'ailleurs, l'atmosphère artistique, si j'ose parler tel, n'est pas plus Montmartroise qu'ailleurs. C'est la province provinciale et l'étranger, cette grande province, qui ont fait le renom de Montmartre. On confond ce quartier de Paris avec le négoce du plaisir factice dont les éventaires, de plâtre fardé, de jour grimé, baillent tristement sur l'ancien chemin de ronde.
Quelques années avant la guerre, au Moulin-Rouge, on pouvait encore jouir du spectacle du grand quadrille. De fausses blanchisseuses, trop mûres, montraient, en cadences, des dessous très enrubannés, à une couronne hilare de provinciaux ou de vieillards. Elles jetaient de grands pieds de soldat au niveau des patères, agitaient leurs chairs grasses, en pinçant leurs jupons professionnels. La sueur perlait sur la peau colorée de leurs cous de lutteuses, collait la culotte sur les rondeurs musculeuses, et on voyait bien qu'elles faisaient une besogne, lorsqu'elles quêtaient dans le képi d'un agent.
A la Galette, c'était un peu plus vil encore. Les filles dansaient, dans une salle envahie par couples, un pas chaloupé. L'art suprême consistait à remplacer toutes les danses par une sorte de marche tanguante. Il est clair que la plus étroite étreinte, la plus imagée était clair que la plus étroite étreinte, la plus imagée était pour affoler les niais qui formaient une galerie béante.
La mimique des couplées, la visible pâmoison des "vagabondes" ne suffit pas à relever la médiocrité de ces réjouissances. Spectacles, en somme, des vieux hommes qui cherchent à rallumer leur sang, des potaches qu'exténuent les désirs confus.
Les forts ont des vices, certes, mais plus flambants. Ici, on respire les demi-cadavres.


Or, il est écrit que c'est là qu'on s'amuse. Plus qu'ailleurs serait beaucoup dire. Il y a des gens qui croient s'amuser au milieu de cette pantomime réglée, simplement, autour des naïfs payeurs. On envie ce pouvoir d'illusion. Il est certain qu'il faut beaucoup d'alcool à un Parisien pour se prendre aux mômeries des filles, à la liesse des cabarets au foulard rouge des faux Bruants. ça, l'esprit de Montmartre ? quelle piperie !


Ah ! l'esprit montmartrois ! A nous, les Belges, les Hollandais pour le rénover ! c'est un homme du Quercy, Clavel d'Aurimont, qui, le premier, accueillait, à la fin du XVIIIe siècle, dans les plâtrières, les badauds, et leur chantait des couplets à leur portée. Salis, qui ralluma, au Chat Noir, ce lumignon, était de Chatellerault, Frémines était normand, Rollinat du Centre, Legay du pays des carillons, Goudeau, de Champagne, ou je ne sais plus. Toutes les provinces sont venues sur le haut-lieu -qui a une vertu, j'en conviens - marier leurs terroirs.
Quant aux bals, aux dancings, aux tavernes qui ont remplacé les guinguettes de 1830 ou 50, ce n'est point, malgré l'enseigne des moulins, des lieux où se distraire de la vie quotidienne. Ils ont une odeur de vomissement qu'on ne supporte plus, passée la gourme. Les cabarets versent d'un esprit démodé, avec leurs boissons frelatées. Tous ces êtres blafards, ces ventripotents enrichis, ces fils oisifs de poètes mondains, attablés ou qui se déhanchent, se donnent une comédie de plaisir. C'est bassement laid, à peine obscène et d'une désespérante petitesse.
Le vrai Montmartre, ce n'est pas cela.

Elie RICHARD.



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Nouvelles des Arts

Antoine Villard, qui excelle dans les paysages de banlieue, expose chez Bernheim, boulevard de la Madeleine, une série d'œuvres intéressantes. La nature morte au globe de verre est remarquable. Le tout est d'un bel artiste sensible et robuste.
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Si vous ne craignez pas l'ennui allez au Salon des Humoristes dont la tristesse et la pauvreté sont rachetées à grand peine par quelques envois de valeur. Gus Bofa nous promet 6 bois, les esquisses sont savoureuses. Forain sait encore le rire sarcastique, Jean Loup sait émouvoir et Hémard faire rire. Mais au long des murs voisinent et s'étalent, avec quelque insistance mortelle, les dessins d'Hérouard, Leclerc, Icart, aggravés du faux hellénisme de Kuhn-Régnier... Nom de Dieu ! Albert Guillaume ! f...ons le camp... et attention aux Gerbault : il y a si longtemps qu'on les sait par cœur ainsi que les Jean Ray. Tiens ! je croyais que Sem était mort ! On ne s'amuse pas, mais pas du tout là-dedans. Parbleu, vous avez envie de rire. Attendez donc au 30 prochain et au Grand Palais chacun pourra bien "soy rigouler".
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Je souhaite que nous ayons bientôt l'heureuse fortune de voir en une exposition d'ensemble l'œuvre du sculpteur Howard. Cet artiste qui nous a donné déjà de fortes choses et qui se meut à l'aise dans tous les domaines de son art, taille d'un ciseau robuste la plus rare matière. Sa manière sensuelle, mais si forte tout de même, mérite qu'on s'attache à sa personnalité puissante qui, sachant ne rien solliciter, se tient à l'écart de toute chapelle et n'est à la dévotion d'aucun pontife.
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Et, puisque nous parlons d'artistes ennemis du tapage et de la réclame, n'oublions pas que, dans le silence et le calme de l'atelier, Chabas Chigny œuvre à ces toiles de grand style, dont la tradition s'est hélas ! perdue et qu'il pourrait bien rénover. Ce peintre qui sait le métier de peindre, a pour lui toutes les ardeurs de la jeunesse ; et, sa robuste foi aidant son savoir grandissant, dépouillera son œuvre d'une certaine confusion.
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E. P. Ullman réunit un groupe "Les Quinze" parmi lesquels figurent plusieurs collaborateurs des Images de Paris. C'est-à-dire du bien de cette exposition qui se produira du 1er au 15 avril, à la galerie Barbazanges que crée cette tradition de n'offrir au public que des œuvres ardentes et fortes : Dupont, Feder, R. Thiollière, R. Villard, Joseph Bernard, Guenot, Crissay, Le Scouezec, etc.
Ne manquez pas de visiter l'exposition de ce groupe qui instaure l'originale façon de se présenter au public, dans une salle de café. Il s'agit là d'une manifestation des plus intéressantes, à laquelle participent plusieurs de nos amis et dont il convient de louer les organisateurs. Ils ont, par là, voulu réagir contre les mœurs de mercantilisme éhonté qui trop souvent déshonorent la belle cause de l'Art. Café du Parnasse, 103, boulevard de Montparnasse, Le Scouezec, Clergé, Chavenon, Ramey, Antral, Crissay, etc.
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Paul Sentenac présente le premier groupe du Salon Occitan à la Galerie d'Art Henri Manuel. Il dit en la préface du catalogue de cette exposition tout ce qu'il convient d edire au sujet des artistes composant ce groupe, où nous trouvons des amis  : Rouquet, Gasp, Maillol, Domergue-Lagarde, etc., bien représentés. Nous les retrouverons.
Le Salon Occitan prépare pour la saison prochaine de belles manifestations. Demandez les renseignements à Rouquet, 71, boulevard Malesherbes.
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Le Pavillon de Marsan abrite le 1ée Salon de la Société des Artistes Décorateurs. Il serait excellent d'avoir à louer un effort digne d'attention puisqu'il apparaît urgent à tous de rénover l'art du meuble et du décor de la demeure humaine. Si quelques tentatives sont heureuses, d'autres avortent piteusement.
Les seuls artistes capables de trouvailles ingénieuses manquent des moyens financiers qui seraient indispensables à la production.
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Le dessinateur Dignimont fait, à la Galerie Terrisse, une exposition de son œuvre. Il faut signaler ses dessins d'une saveur particulière. 
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Escales, tel est le titre d'un superbe recueil de dessins d'André Lothe. Nous retrouvons là la maîtrise incontestable de notre collaborateur. Des vers de Cocteau servent de légendes. Ce n'est point diminuer le poète que de dire que ses notes apparaissent trop schématiques à côté des lignes sonores du peintre.

LES HUIT.

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Bibliothèque des "Images de Paris"

C'est le vendredi après-midi que nous ouvrons, 20, rue Mazarine, chez R. Thiollière, la bibliothèque des Images.
Elle sera ouverte tous les vendredis, de 14 à 18 heures, aux Imagiers, à leurs amis et à nos abonnés.
Nous mettons à leur disposition, au moyen du prêt, des ouvrages modernes et des revues importantes de littérature et d'art. Nous espérons ainsi, mieux qu'avec des palabres, servir les bonnes lettres et l'art nouveau.

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Les faits-divers
                                    des lettres et des arts

M. Loys Labèque est un poète vagabond, j'entends qu'il a, comme les astres font, tous les ciels poétiques. Toutes les poétiques l'ont tenté, tous les climats. On dirait souvent qu'il joue au pastiche. Si ces Poèmes primitifs nous étaient donnés comme un début, il faudrait s'émouvoir. Or on nous confie que c'est un testament. Dommage ! Il y avait des promesses.
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La maison Flammarion s'est montrée bien inspirée en réimprimant cette Chanson de Naples. Dans ce livre déjà ancien, M. Etienne Montfort a réalisé le roman de mœurs sans l'excès de couleurs qu'ont accoutumé les barbouilleurs. J'ai parlé du Cœur Vierge, œuvre toute différente, mais en comparant ces deux livres, comme on comprend bien l'art de ce romancier. Il a la maîtrise qui ne se laisse point enivrer par l'imagination. Il recrée, sans s'embarrasser des violences passagères, l'atmosphère qui demeure au-dessus des spectacles vivants.
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La Forêt en armes, voilà un titre ! Mais les vers de M. Biollay sont plus pour le bazar aux mirlitons que pour la forêt qui demande un cor puissant.
Chevaux éclopés ou galeux
Qui chantera votre misère...
M. Biollay est à signaler à la Société pour la protection du cheval.
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La Renaissance de Montmartre désire que je signale son dernier numéro. Il y a de bons dessins de Le Scouezec, d'Antral, de Clergé, de Marhoré, mais qui sont enveloppés d'une cacographie qui prétend les déshonorer sans y parvenir.
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M.-L.-F. Rouquette publie le Grand silence blanc, roman de l'Alaska. Je ne l'ai point lu, mais je le lirai. L'auteur a-t-il songé -et l'éditeur a-t-il su- que le Grand silence blanc est le titre du plus beau conte de l'Alaska, de Jack London ? Si oui, quelle désinvolture, je dirai même quelle improbité, de piller ainsi -ne fut-ce que d'un titre- un auteur étranger, et même s'il est mort. M. Pierre Mac-Orlan, il vous appartient de défendre un de vos maîtres.
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Une revue japonaise me vient porter de l'autre bout du monde quelques bois et quelques vers. Les vers me sont hermétiques puisqu'en japonais. Ils sont composés cependant en caractères romains. Si je lis bien, dans cette revue, où il n'y a que des vers, on traduit Redenbach et l'on annonce une traduction de Baudelaire.
On pourrait plus mal choisir. C'est la revue Yomigaeri.
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Il me faut remettre à l'autre fois : Les esquisses critiques de P. Lièvre, Une douceur amère de Bergougnoux, Les Gueux Sanglants de G. Hautmont, la Force de vivre, de Marcello-Fabri, les Apparitions d'Ahasuvérus de Han Ryner, le livre d'Amour de Vildrac, etc.

LE PAL.

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IMAGES DE PARIS, sans respect pour les opinions courantes, pour les clichés à la mode et les lieux communs, fait appel aux jeunes que briment les gens en place et les vieillards sans philosophie.
Tous les envois seront lus - et publiés, s'il est possible.
Tous els ouvrages qui seront adressés seront signalés et, à l'occasion, analysés.

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Les artistes et hommes de lettres qui publient cette revue, outrés de la façon dont on exploite les jeunes auteurs -et même leurs aînés- se mettent à la disposition de nos lecteurs pour leur fournir les renseignements utiles à la publication d'œuvres littéraires ou artistiques dans des conditions parfaits et à des prix honnêtes.
S'adresser au gérant : R. Frère, 14, rue du Cloître Notre-Dame (IVe).
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Nous rachetons les n° 1, 2 et 6 des Images de Paris.
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Les Visages de Paris : 1re série : Les Jardins, Album de bois composés par Auguste Rouquet et taillés par Achille et Auguste Rouquet.
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Chez E. W. Veillard, céramiste, 3, rue du Maine, à Asnières, téléphone 195, on cuit des terres pour les artistes. A la même adresse, on trouve des poteries de toutes tailles en terre rouge ou blanche se prêtant merveilleusement à la décoration.
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ATELIER D'ART DECORATIF
Chez ROUQUET
71, Boulevard Malesherbes, 71, PARIS (8e)
ABAT-JOUR, COUSSINS, OUVRAGES DE DAMES, haute fantaisie
ETAINS D'ART de A. et E. CHANAL
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ACADEMIE MONTPARNASSE
35, rue du départ, 35 (Métro : Maine et Montparnasse).
Professeurs : KISLING - BISSIERE
D. GALANIE - KHARIS -CLERGE
Directrice : Mlle ANDERSON
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Randeynes 4, rue d'Assas, est le relieur des Images de Paris. Randeynes vient d'exécuter une reliure d'art aux armes de Paris pour la première année des Images.
Cette première année, reliée, se vend au prix de 80 francs. Elle contient plus de 40 illustrations dont 20 bois gravés hors-texte, et trois épreuves à la main signées par l'auteur. Il n'en reste que quelques exemplaires.
L'année, sans épreuves d'artistes, se vend 50 francs.

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PARIS MONTMARTRE REV28

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