SCEAUX (92) - REVUES

Félix OLLIVIER
" Le domaine de Sceaux "
L'Architecture, 15 janvier 1931, vol. XLIV, p. 1-10
31,7 x 24,4 cm
Ham-Paris, collection Beaurain

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LE DOMAINE DE SCEAUX : L'ORANGERIE
 
Depuis 1923, date de l'acquisition du domaine de Sceaux par le département de la Seine, on peut dire qu'il a été sauvé de la destruction à laquelle il eut été fatalement voué si, dans un but qu'on ne saurait trop louer l'administration préfectorale, en plein accord avec le conseil général de la Seine, n'avait décidé de conserver, aux portes de Paris, tout ce qui reste de cette magistrale composition ou ce qui subsiste encore de l'œuvre de Le Nôtre, de Lebrun (sic), de Perrault et de Coysevox.
En fait le département de la Seine n'a pu prendre vraiment possession de cette acquisition qu'en 1929 ; jusqu'à cette date, une location malencontreuse, en cours au moment de la vente et dont il a fallu se libérer, avait paralysé toute l'exécution du plan de remise en état et des aménagements nécessités par la nouvelle destination de ce beau domaine. Mais depuis cette date, un effort considérable a été fait, sous l'impulsion de M. Martzloff, directeur des Services d'Architecture et des Promenades peut remédier à l'aspect lamentable dû aux années de guerre, au manque d'entretien et à de fâcheux abatages.
Les abords du château ont été ouverts au public. Il peut, dès maintenant, accéder dans le parc, soit de la route d'Orléans par l'avenue laissant à sa droite le lycée Lakanal et aboutissant à la cour d'honneur, soit de la rue Houdan, à proximité de l'église de Sceaux. par l'avenue nouvelle bordant les récents lotissements et desservant les parterres du Pavillon de l'Aurore et de l'Intendance. Dans cette partie, située dans la contiguïté de la rue Houdan, les lotissements sont discrets : une futaie séculaire les isole des grands aspects à la française ; et si, en un point, le rouge un peu vif d'un toit apparaît dans la percée de l'allée de Diane, le mal n'est pas irréparable.
Mais il semble surtout bien nécessaire de masquer par des plantations de hautes tiges, les énormes bâtiments du lycée Lakanal et aussi deux récents pavillons blancs et cubiques dont le voisinage trop immédiat est si malheureusement inopportun pour la perspective du pavillon de l'Aurore, dont notre confère Azéma poursuit en ce moment la restauration. Combien gagnerait l'aspect de ce pavillon et de ses parterres si le côté droit et les fonds étaient également garnis des belles essences de verdure dont la masse constitue du côté gauche un si riche écran ! Ces plantations sont projetées ; mais hélas ! le vide s'en fera encore sentir pendant de longues années.
Suivons le tapis vert qui mène au Pavillon de l'Intendance dont la remise en état est terminée, et pénétrons sous les Bosquets du parterres des Caprices : c'est ici que la duchesse du §Maine avait placé les statues de la Bizarrerie, de la Légèreté et de l'Inconstance, singulier hommage, érigé sans doute par goût du paradoxe sous des berceaux de plantations si magnifiquement ordonnées. Avons-nous sous les yeux les premiers marronniers importés en France par Le Nôtre ? L'exactitude de cette serait flatteuse pour l'amour-propre de la ville de Sceaux ; mais M. Demorlaine, conservateur en chef des Promenades, estime qu'elle demande confirmation. Quoiqu'il en soit, il est certain que nous sommes ici sous des voûtes de verdure majestueuses et des plus réussies qui puissent être : proportion noblement architecturale des berceaux, lumière tamisée si reposante pour les yeux et, à l'orée des avenues, éblouissement de l'espace libre laissant à découvert les terrasses du grand parterre à la française qui dévale avec ses ifs et ses bassins jusqu'au rond-point dit "des quatre-statues".

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LE DOMAINE DE SCEAUX
[ D'après le plan modifié par Léon Azéma en 1930 ]

Le charmant boulingrin qui, de ce côté, reliait le bosquet des Caprices à l'Esplanade, a disparu. Il existait encore antérieurement à 1923, avec les statues de la Terre et de la Mer, réservées par les anciens propriétaires lors de la vente : mais il serait facile d'en reconstituer le souvenir. De ce point de l'Esplanade on est aussi dans l'axe de la grande Allée de la Duchesse, aux séculaires alignements de tilleuls et d'ormes et dont le tapis vert est replanté en lierre.
Près de nous, les bâtiments de l'orangerie viennent d'être l'objet de très importantes réparations : la charpente a été rétablie en conservant la presque totalité des anciens bois, la toiture refaite à neuf et les murs restaurés. De cet angle de la cour d'honneur et de la demi-lune qui la précède on ne peut plus hélas ! qu'évoquer, et combien à regret, le souvenir de la superbe avenue d'ormes qui, jusqu'aux années de guerre, reliait le château à la route d'Orléans. Ce vide laisse laisse encore apparaître les bâtiments du lycée Lakanal et le voisinage un peu trop immédiat des nouveaux lotissements. Constatons cependant, non sans joie, que de nouvelles plantations sont déjà aménagées et qu'elles corrigeront dans quelques années l'aspect de chantier qui sévit encore.

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PAVILLON D'ENTREE, DOUVES ET GROUPES DE COYSEVOX ; AU DERNIER PLAN A GAUCHE, ON APERCOIT UNE PARTIE DE L'ORANGERIE DONT LES REPARATIONS DE CHARPENTE SONT EN COURS

PARTERRE ET PAVILLON DE L'AURORE

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PLAFOND DU PAVILLON DE L'AURORE PAR LEBRUN

INTERIEUR DU PAVILLON DE L'AURORE

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L'ENTREE D'HONNEUR

LE GRAND CANAL DONT LA REPARATION VIENT D'ETRE ACHEVEE : AU PREMIER PLAN LA BALUSTRADE DE LA TERRASSE DES PINTADES 

En ce qui concerne le château lui-même, construit en 1856-58 par l'architecte Lesoufaché (sic)  à l'emplacement de celui qui ne résista malheureusement pas aux suites de la tourmente révolutionnaire, il a été habité jusqu'en ces dernières années par les descendants du maréchal Mortier, duc de Trévise et est en très bon état d'entretien. Des projets multiples ont été envisagés pour sa destination. Le département s'est trouvé, à son sujet, dès l'acquisition, dans la situation du statuaire de notre fabuliste :

Un bloc de marbre était si beau
Qu'un statuaire en fit l'emplette ;
Qu'en fera-t-il, dit mon ciseau ?
Sera-t-il dieu, table ou cuvette ?

Les demandes et les propositions les plus diverses ont été adressées à l'administration. Il a été surtout question depuis quelque temps d'un Musée du Costume, projet qui paraît abandonné, puis d'un Musée analogue à Carnavalet, s'appliquant à l'histoire de la région parisienne, le Musée de la rue de Sévigné étant réservé à Paris même. Cette dernière hypothèse semble être celle qui réunit le plus de suffrages : elle serait du goût de M. Le Troquer, l'éminent rapporteur du domaine de Sceaux au Conseil général ; et M. Jean Robiquet a su donner assez de vie au Musée Carnavalet pour que l'on puisse s'en remettre à sa maîtrise d'organisateur, dans le château de Sceaux et ses dépendances, s'ils sont pourvus de cette nouvelle affectation.

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BOSQUET DES CAPRICES ET STATUE DE LA MER
(Dessin par M. [F.] Ollivier)

En attendant qu'une décision intervienne à ce sujet, il est déjà permis de se réjouir d'un arrangement conclu par la direction des Services d'Architecture au sujet du transfert et de la réédification dans le domaine de Sceaux du Pavillon de Hanovre dont la démolition par la Société Immobilière de la rue Louis-le-Grand est imminente. Sans qu'il coûte rien au budget départemental, l'opération rappellera celle qui fut fai[t]e par la Société des Gens de Lettres pour sauver l'hôtel du marquis de Massa, et le reconstituer en bordure des jardins de l'Observatoire. A Sceaux, une avenue sera pratiquée au travers des bois qui bordent l'Octogone, dans le prolongement de l'axe du canal de Seignelay ; et symétriquement, du côté Sud, la jolie rotonde que connaissent tous les Parisiens renaîtra dans un beau décor de verdure et d'eau, dépouillée de ses enseignes commerciales et de ses fâcheuses mitoyennetés. N'est-ce pas un beau destin pour une œuvre léguée par le XVIIIe siècle ?

LE DOMAINE DE SCEAUX : L'INTENDANCE

Les dépenses effectuées pour les remises en état les plus urgentes des Pavillons de l'Aurore et de la cour d'honneur, de l'Intendance, de l'Orangerie et des toitures du château ont été de 760.000 francs. La réfection des berges du grand Canal et son curage ont coûté environ 2.300.000 francs. Cette pièce d'eau a une superficie de 6 hectares et une longueur de 1.025 mètres ; 50 mètres dans sa plus petite largeur avec deux renflements à ses extrémités et un en son milieu. Une deuxième étape de travaux d'une importance de 5.420.000 fr. comprend la réfection des murs de soutènement, la restauration de la balustrade des Pintades, les grilles de clôtures de la rue de la Ferme et celles de nouveaux lotissements, une partie de la visibilité du parc.

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L'OCTOGONE ET LA PERSPECTIVE DE LA DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES AMENAGEES PAR LE NOTRE
(Dessin par M. F. Ollivier)

Les eaux qui jusqu'à présent ont alimenté le domaine de Sceaux viennent de l'étang du Plessis-Piquet, des Vaux-Robert et d'Aulnay : trois conduites convergent vers le point culminant du parc, dans le bassin situé près de l'Eglise. Le mauvais état des canalisations au travers de nombreux lotissements exécutés en dehors du domaine a nécessité la constitution nouvelle d'un réseau complet d'alimentation en eau. Ces travaux qui seront exécutés par la Conservation des Promenades font partie de deux autres étapes pour lesquelles les crédits évalués à environ 8 millions ont également été prévus ; ils comprennent en outre, le curage des autres pièces d'eau, la viabilité du parc, le jardinage, le reboisement, la création de 8 hectares de pépinières, et en général le remplacement des taillis par de la futaie, afin de faciliter la surveillance indispensable dans une promenade publique.
D'autres étapes de travaux d'une importance au moins égale à ceux qui sont en cours d'exécution sont encore à l'étude.

L'OCTOGONE, VUE PRISE AU DE LA DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES. AU PREMIER PLAN, LE GROUPE RUINE MAIS RECONNAISSABLE DE L'ENLEVEMENT DE PROSERPINE

En plus des modes d'alimentation dont nous avons, le grand Canal reçoit, près de la Terrasse des Pintades, le ru d'Aulnay et, à hauteur du canal de Seignelay, le ru de Châtenay. Son trop-plein se déverse par une vanne située au lieu dit "La Grenouillère", du côté de la Croix de Berny, passe en galerie et rejoint un ruisseau qui va à la Bièvre.


PERSPECTIVE DES ANCIENS PARTERRES, AU BOUT DE LAQUELLE ON APERCOIT LE ROND-POINT DIT "DES QUATRE-STATUES". A GAUCHE LA BALUSTRADE DE LA TERRASSE DES PINTADES

L'OCTOGONE. DANS LE FOND, ON APERCOIT LA DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES DONT LE SOMMET REJOINT L'ALLEE DE LA DUCHESSE

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A gauche : INTERSECTION DU GRAND CANAL ET DU CANAL DE SEIGNELAY (Au premier plan, le batardeau établi pour les travaux de curage ; au-delà du grand canal, l'espace qui sera aménagé en quartier de sports)

A droite : L'ALLEE DE LA DUCHESSE ET LA STATUE DE LA SERVITUDE

Chacune de ses berges sera aussi replantée d'une triple rangée de platanes. Par une heureuse disposition du plan de notre confrère Azéma, de grands escaliers droits se composant avec les alignements de platanes, relieront le niveau des berges à celui de la Terrasse des Pintades. Cette facilité d'accès et de circulation était indispensable dans une promenade ouverte désormais ouverte au public. Ce sera d'ailleurs un complément de composition et une amélioration incontestable au point de vue de l'aspect, rappelant le parti architectural adopté à Versailles pour accéder du niveau de la pièce d'eau des Suisses aux terrasses de l'Orangerie et du parterre du Nord.

   
A gauche : L'ANCIEN ABREUVOIR CONTIGU A LA COUR DE LA FERME
A droite : SOMMET DE LA DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES QUI ALIMENTAIENT L'OCTOGONE

Il restera encore à remettre en état le canal de Seignelay, puis l'Octogone autrefois alimenté par les grandes cascades et dont la superficie est de 2 hectares et demi. Enfin pour compléter l'un des plus beaux paysages d'eau que nous ait légué le grand siècle, la reconstitution des cascades elles-mêmes est indispensable : c'est ce que, nous n'en doutons pas, M. Le Troquer saura obtenir de ses collègues du Conseil général. Leur sollicitude s'étendra aussi bien à cette restauration nécessaire qu'à l'aménagement, sur la rive sud du Grand Canal, des espaces considérables réservés aux sports,, et repris en partie sur les lotissements primitifs C1 et C2.

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A gauche : PAVILLON DE L'AURORE
A droite : LE BOSQUET DES CAPRICES

Toute cette nouvelle conception de la dernière partie du plan, étudiée en étroit accord avec le Rapporteur, constituera par ses grandes perspectives à la française un nouvel élément de beauté artistiquement relié à la composition originale ; et les deux rives du grand Canal retrouveront l'équilibre de composition qu'elles avaient complètement perdu, la partie du domaine située au sud du grand Canal étant en friche depuis de nombreuses années.
Le projet d'Azéma montre d'ailleurs que, par leur éloignement du centre de la composition, les ébats et la vue des joueurs ne seront jamais une gêne pour les promeneurs paisibles.
L'ensemble de la population parisienne pourra ainsi profiter d'une merveilleuse promenade située aux portes de la ville.

P.-S. - Je remercie MM. Dubourg et Tabary d'avoir bien voulu me communiquer les documents relatifs aux étapes successives de ces importants travaux. F. O.

FRAGMENT D'UNE VASQUE DES ANCIENNES CASCADES DEPOSEE DANS LA COUR DE LA FERME


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SCEAUX DOMAINE REV23

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