SCEAUX (92) - REVUES

 

Félix OLLIVIER
" Le parc de Sceaux et les nouvelles cascades. M. Azéma, architecte "
L'Architecture, 15 janvier 1936, v. XLIX, n° 1, p. 11-14
31,3 x 24,5 cm
Ham-Paris, collection Beaurain

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[Page 11]

Qui m'eût dit, il y a vingt ans, lorsque le hasard d'un service commandé me mit à même de pénétrer pour la première fois dans l'ancien domaine de Colbert, réquisitionné pour les besoins du camp retranché de Paris, qu'il serait acquis huit ans plus tard par le département de la Seine, qu'il deviendrait un musée et une promenade publique et qu'un jour, après bien des efforts, on y retrouverait des aspects dont le souvenir n'était conservé que par les gravures de Rigaud, de Pérelle, d'Israël Sylvestre et autres artistes de la belle époque ?
J'ai connu en 1915 le silence hivernal des rives du Grand Canal et de l'Octogone, où le moindre bruit dans les feuilles mortes, le pas feutré du passant solitaire donnait l'essor à des vols de canards sauvages. De la Grande Cascade de Coysevox, il ne restait plus aucune trace de construction : seule, la déclivité du terrain et la percée entre les frondaisons restaient perceptibles : au pourtour de l'Octogone se dressaient des groupes de statues mutilées, mais encore reconnaissables : L'Enlèvement de Proserpine, L'Enlèvement des Sabines, Castor et Pollux, Daphné changée en arbre... Quelle mélancolie, mais aussi quel charme dans ce prestigieux décor de grand parc abandonné !
Depuis, des travaux considérables ont été menés à bien par notre confrère Azéma sous la haute direction de M. Martzloff dont la persévérance et les efforts surent y intéresser cette opération de grande envergure.
Un nombre respectable de millions a été consacré à la remise en état du domaine : château, orangerie, pavillons d'entrée, pavillon de l'Aurore, ferme, parc, plantations pour l'aménagement desquelles, ainsi que pour les adductions d'eau, la collaboration de M. Demorlaine, conservateur en chef des promenades, est adjointe au service d'architecture.
Sur plus de trois kilomètres, les murs de soutènement des berges du Grand Canal, de l'Octogone et du canal de Seignelay ont été refaits. Les réseaux de canalisation d'eau ont dû également être reconstitués ; de nouvelles adductions ont été créées, notamment en ce qui concerne les cascades. Celles-ci qui ont, peut-on dire, le clou de la résurrection du domaine ont été récemment inaugurées par le président de la République.
Elles s'étendent, par une succession de bassins et de chutes sur une longueur de plus de deux cents mètres. De la terrasse supérieure, faisant suite à l'allée de la Duchesse et au bassin qui la termine, sept mascarons de Rodin marquent l'alimentation de départ ; latéralement, tout au long des bassins, deux séries de jets dessinent une allée d'eau jusqu'à l'Octogone. A l'autre extrémité de celui-ci, une emmarchement monumental décoré de groupes de cerfs, œuvre de Gardet, conduit au tapis vert qui s'étend et remonte dans la direction de La Croix-de-Berny. C'est des pentes de ce tapis vert que la vue embrasse l'admirable ensemble de l'Octogone, du canal de Seignelay et des Grandes Cascades dont la célèbre gravure de Rigaud nous avait conservé le souvenir.

[Pages 12-13]

PARC DE SCEAUX. OCTOGONE ET CASCADE

SOMMET DE LA CASCADE
DANS LES NICHES ET SUR LE MUR DE SOUTENEMENT SEPT MASCARONS DE RODIN

Ce document nous montre d'ailleurs que le souci de la restauration actuelle n'a pu être de refaire strictement ce qui existait : le nombre des vasques, la mise en œuvre de la pierre et son mode d'appareil, la disposition des motifs formant allée d'eau sont choses nouvelles : pour le moment, l'alimentation en eau paraît encore un peu faible : l'effet gagnerait à ce que les jets fussent plus nourris et surtout à ce que les chutes tomba    nt d'une vasque dans l'autre devinssent plus abondantes et plus visibles ; la faible épaisseur de leur nappe conserve une transparence absolue en glissant sur les parties lisses des margelles, et l'effet d'un bouillonnement écumeux, si les disponibilités le rendent possible, est à souhaiter pour dissimuler l'apparence des murs et le tracé de leur rejointoiement.

PARC DE SCEAUX. LA CASCADE ET L'OCTOGONE

VUE PRISE DU SOMMET DE LA CASCADE
ET MONTRANT AVEC L'OCTOGONE LA PERCEE DITE "LA PATTE D'OIE" EN DIRECTION DE LA CROIX-DE-BERNY

Les fragments de groupes de sculpture qui entouraient l'Octogone ont été conservés et refixés sur leurs piédestaux. Ce mode de décor dans les frondaisons séculaires, ce parti du maintien de l'encadrement de la merveilleuse pièce d'eau par les dieux et les héros qui furent les témoins muets des célèbres fêtes de la duchesse du Maine sont très évocateurs. A l'époque actuelle, où, au point de vue esthétique le choix fait par les commissions d'achat est si souvent déconcertant, où les influences se manifestent si diverses et si incohérentes, l'introduction d'œuvres nouvelles, sans tradition, dans un ensemble comme celui de Sceaux eût été plus à redouter qu'à désirer.

[Page 14]


A gauche : PARC DE SCEAUX. ASPECT DE 1916. OCTOGONE ET DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES DONT AUCUNE CONSTRUCTION NE SUBSISTAIT
 
A droite : LA BERGE DU GRAND CANAL. LES GROUPES DE CERFS DE GARDET ET L'EMMARCHEMENT SITUE AU DEPART DE LA PATTE D'OIE

Sur le canal de Seignelay, un bac a été établi pour aborder d'une rive à l'autre : c'est une excellente idée ; elle permet d'éviter le fâcheux effet d'une passerelle qui eût coupé la perspective du grand axe transversal. Le libre passage des piétons se dirigeant du bas de la Grande Cascade au Tapis vert et à la Patte-d'Oie est du reste toujours assuré par la berge suivant le côté nord de l'Octogone.
L'Exposition de 1937 sera évidemment l'occasion d'un nouvel effort pour hâter l'achèvement de la remise en état du parc, où toutes les parties basses situées au-delà du grand parterre et au sud du Grand Canal n'ont pu être entreprises. Près de la cour d'honneur, il semble aussi que ce soit l'orangerie et ses abords, l'aménagement de ses parterres qui sollicitent une restauration rapide. La façade principale de cette orangerie dont les trois quarts subsistent pourra, espérons-le, retrouver ses dimensions premières ; c'est, de l'œuvre de Perrault, le morceau le plus important qui ait été conservé, et qui mérite d'être intégralement et fidèlement reconstitué.

PARC DE SCEAUX

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SCEAUX DOMAINE REV20

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