SCEAUX (92) - REVUES

 

Félix OLLIVIER
" Visite du domaine de Sceaux "
L'Architecture (LIIe Congrès des Architectes français. Paris (du 25 au 30 juin 1928)
25 juin 1928, vol. XLI, n°9, p. 273-274
(communication de M. F. Ollivier, architecte de la Ville de Paris)
31,5 x 23,6 cm
Ham-Paris, collection Beaurain

***

[Récit de la première journée du Congrès des Architectes français]
A l'hémicycle de l'Ecole des Beaux-Arts et suivant la tradition qui nous est chère, s'est ouvert, le 25 juin de cette année, le LIIe Congrès des Architectes français, M. M. E. Pontremoli, membre de l'Institut, président de la Société Centrale des Architectes, reçoit les congressistes auxquels il souhaite la bienvenue et expose le programme du Congrès.
Ce programme prévoit, pour cette première matinée, l'étude de la question des honoraires d'architectes. Le président, en conséquence, donne la parole à notre confrère Portevin, qui fait un très intéressant historique de la question. Notre confrère Blanchard expose ensuite les résultats obtenus après de longues années d'études. Enfin notre confrère Olive, pour terminer cette matinée de travail, rappelle en quelques mots que, depuis près de cinquante ans, cette question vitale, a été l'objet d'études assidues. Il nous apparaît que, grâce aux efforts dévoués et persévérants de ceux qui s'y sont consacrés pendant de si longues années , la question a fait cette année un grand pas. De nombreux et chaleureux applaudissements remercient nos confrères, non seulement de la matinée si intéressante qu'ils nous ont fait passer, mais aussi des résultats obtenus. Leur dévouement absolu à l'intérêt général a, en effet, nous le savons tous, été au cours de ces longs efforts, parmi les plus actifs et les plus agissants.
Le programme général du Congrès réservait, de préférence, les matinées aux séances de travail, les après-midi seront en général consacrés aux excursions.
Rendez-vous donc pris à 1h.30 à la place de la Concorde, d'où un car nous emmena à l'abbaye de Vaux-de-Cernay. Nos confrères, MM. Dresse et Oudin, guidèrent de la façon la plus intéressant les congressistes dans la visite de cette ravissante abbaye, grâce à l'aimable autorisation de son propriétaire, le baron Henri de Rotschild (sic)
Mais une surprise était réservée aux congressistes, ce fut la visite, non prévue au programme, de Dampierre, ce remarquable château de la duchesse de Luynes.
Enfin, pour donner à cette après-midi une fin digne de son commencement, notre confrère Félix Ollivier, architecte de la Ville de Paris, nous procura la joie d'une promenade dans le parc de Sceaux. Hélas ! du château commencé par Colbert, vers 1675, qu'enrichirent les Lebrun, les Coysevox, Girardon et Puget, "la maison de Sceaux, située auprès du Bourg-la-Reine", comme Perelle l'écrit au-dessous d'une de ses célèbres gravures des belles maisons de France, n'existe plus. Mais il reste les vestiges des admirables jardins "de l'invention de M. Le Nôtre", qui y créa des terrasses, des cascades, des portiques, des treillages, dignes de rivaliser avec ceux de Versailles. Il reste aussi des vestiges du célèbre pavillon de l'Aurore ; mais après avoir appartenu à la duchesse du Maine, au duc de Penthièvre, après la tourmente de la Révolution, l'œuvre de Perrault fut démolie et remplacée par la grande habitation actuelle que fit construire, sous le second Empire, le duc de Trévise, sur l'emplacement de l'ancienne.
L'achat qu'en fit en 1923 le département de la Seine, nous fait entrevoir une prochaine et complète reconstitution de ces beaux jardins.
Nous le quitterons avec une réelle mélancolie, qui eut été atténuée si nous avions su que, quelques jours plus tard, nous reverrions à l'exposition des jardins de Bagatelle, de beaux dessins et aquarelles qu'a inspirés à notre confrère Ollivier l'admirable parc qu'il vient de nous faire visiter.

[Le texte se poursuit par la présentation du programme des jours suivants]

***



RIGAUD. - LE CHATEAU DE SCEAUX

Les origines du domaine de Sceaux remontent au XVe siècle. Un premier château y fut construit par Potier de Gesvres, en 1597, et fut agrandi par le duc de [Tresmes] en 1644.
Colbert en devint acquéreur en 1670 à la suite, dit-on, d'heureuses spéculations faites en Espagne, en 1664, et neuf ans après son accession aux ministères, réunis entre ses mains, des finances, de la Marine et du Commerce. En 1682, il acquit le petit Sceaux et la terre du Plessis-Raoul, dit Piquet.
C'est en 1673 que Perrault fut chargé des travaux d'agrandissement et de transformation du château, dont le corps principal était à l'emplacement du château actuel, construit de 1856 à 1858 par l'architecte Lesoufaché, pour le marquis de Trévise, descendant du maréchal Mortier.
Le château de Perrault comportait en façade cinq corps de bâtiments : un pavillon central comprenant un rez-de-chaussée, un premier étage et un étage d'attique ; attenant à droite et à gauche, deux corps de logis plus bas ; et, à chaque extrémité, un pavillon de hauteur sensiblement égale au pavillon du milieu. Latéralement, celle de gauche, était la chapelle dont le plafond avait été peint par Lebrun. Il ne nous reste plus, pour en conserver le souvenir, que cinq planches gravées par Audran dans le tome XIV des Estampes du Cabinet du Roy.
La Révolution et ses suites (1798-1802) ont malheureusement détruit cette magnifique demeure que nous montrent les gravures de Rigaud, de Pérelle et d'Israël Silvestre. Mais ses dépendances nous ont été conservées : l'orangerie, la cour d'honneur avec sa grille, ses pavillons d'entrée et les groupes si vivants de Coysevox : combat du dogue et du loup, combat de la salamandre et de la licorne ; puis, dans le parc, à quelque distance, le délicieux pavillon de l'Aurore et la maison de l'Intendance, avec les bâtiments de la ferme.
Pour le parc, Colbert avait fait appel à Le Nôtre qui, depuis dix ans, avait déjà fait ses preuves à Versailles et à Vaux. Les grands axes de la composition sont encore heureusement conservés :
Le premier, partant de la route d'Orléans, passant par le château, le grand parterre, le rond-point des quatre statues et aboutissant au lieu dit "Pavillon du Roy", sur la route de Versailles;
Le second, perpendiculaire au premier, passant par le parterre de Diane, la terrasse du château, l'allée de la Duchesse, l'octogone et la patte d'oie ;
Le troisième, parallèle au second, passant par le petit Sceaux, la terrasse des Pintades et le grand canal.
De l'orangerie de Perrault il reste environ les deux tiers : la partie manquante souffrit de l'occupation allemande de 1870 et le fronton que l'on voit actuellement à l'extrémité est, avec ses sculptures attribuées à Girardon, fut déplacé pour clore le bâtiment ainsi diminué.
Sous Colbert, Seignelay et la duchesse du Maine, l'orangerie servit de cadre à des fêtes somptueuses. L'une des plus célèbres fut offert par le marquis de Seignelay, fils de Colbert, à Louis XIV. Mme de Maintenon et toute la cour, le 16 juillet 1685. L'orangerie avait été, pour la circonstance, transformée en salle de musique ; l'Idylle de Sceaux, poème de Racine, avait été mise en musique par Lulli. Les plus belles vois de l'Opéra concoururent au succès de ce concert.
Devant l'orangerie était un parterre terminé par un hémicycle : dans son prolongement, se dressait la statue de l'Hercule Gaulois, de Pierre Puget. Cette statue est actuellement au musée du Louvre, mais le socle en existe encore à sa place.
Du pavillon de l'Aurore, le gros œuvre est à peu près intact. A l'intérieur, il a conservé, à défaut de ses lambris, sa magnifique coupole peinte par Lebrun et dont l'esquisse fit l'admiration du Bernin : la déesse de l'Aurore, ouvrant la voie aux quatre coursiers blancs de Phoebus-Apollon chasse la nuit, figurée par une immense chauve-souris et escortée d'une nuée de petits démons personnifiant nos songes. La Rosée et l'Eté accompagnent la déesse de l'Aurore. Au bas du socle, on lit la signature de Lebrun, premier peintre du roy, en 1672.
Après la mort de Seignelay, en octobre 1690, le domaine resta indivis entre ses cohéritiers. Dans le parc de Le Nôtre qui, à la mort de Colbert, comportait déjà comme effets d'eau la grande cascade et l'octogone, Seignelay avait fait creuser le grand canal et, pour relier le grand canal à l'octogone, le petit canal dit de "Seignelay".
Le domaine fut acquis en 1699 par la duchesse du Maine, qui avait épousé le fils de Louis XIV et de Mme de Montespan. Cette princesse de vingt-cinq ans, petite-fille du grand Condé, hantée par les traditions de l'hôtel de Rambouillet, désira se composer un petit cénacle et jouer le rôle de la reine de Sceaux. Elle y eut, en effet, toute une cour : ses divertissements, ses fêtes de nuit, évoquent le souvenir de Mlle de Launay, de Malézieux, de l'abbé Genest et, plus tard, de Fontenelle et de Voltaire.
A l'emplacement des bosquets des caprices, se trouvait, à l'époque de la duchesse du Maine, le réservoir des Goulottes, appelé depuis le Caprice. C'est au fond de ce quinconce d'arbres qu'étaient les trois statues des caprices : la Bizarrerie, la Légèreté et l'Inconstance.
L'abreuvoir existe toujours comme il est figuré dans une gravure de Pérelle montrant une vue d'ensemble du domaine à vol d'oiseau.
En 1798, le Directoire ordonne la mise en vente du domaine de Sceaux. Une bande noire fut déclarée adjudicataire. On procéda six mois après à une folle enchère dont profita, pour le prix de 750.000 francs, un négociant de Saint-Malo nommé Lecomte. Le mauvais état des bâtiments détériorés par un abandon de cinq années, l'obligea bientôt à démolir le château que ses ressources ne lui permettaient pas d'entretenir. Mais le reste fut conservé. L'annexe, dite de la Ménagerie, fut sauvée par une société en participation formée par les soins du maire de Sceaux alors en exercices, nommé Desgranges. Malheureusement, le petit pavillon avait été abattu.
Et maintenant, il nous reste à souhaiter que le département de la Seine, bientôt libéré des entraves qui, depuis 1923, ont paralysé son action, puisse restituer à ce joyau partie de son ancienne splendeur et en faire, pour le plus grand bien-être des Parisiens, une de nos plus belles promenades.

NOTA.- Les détails historiques de cet article sont empruntés aux ouvrages de Victor Advielle et de H. Soulange-Bodin.



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Commentaire :

Même s'il se réfère à Advielle et Soulange-Bodin, l'auteur avance des hypothèses non vérifiées et des informations fausses. Il attribue notamment le château de Colbert et l'Orangerie de Seignelay à Perrault, ce qui n'a jamais été attesté. Une étude récente attribue le château du ministre de Louis XIV à l'architecte Antoine Lepautre. Quant à l'Orangerie, elle est l'œuvre de Jules Hardouin-Mansart.

C'est par ailleurs en 1700, et non en 1699, que le duc du Maine, et non la duchesse du Maine, racheta le domaine de Sceaux aux héritiers de Seignelay. 

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SCEAUX DOMAINE REV18

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