HAM (80) - CORRESPONDANCES DE GUERRE

 

Maurice CASÉ
Deux lettres envoyées à Jules Beaurain (1892-1916), alors infirmier au Nouvel Hôpital militaire, à Verdun
 1915
lettres à l'encre brune sur papier à petits carreaux
Ham-Paris, collection Beaurain

***
[CG04 (1)]

" Sembadel le 26 juillet 1915

Cher copain Jules,
Je m'empresse de répondre à ta carte que je viens de recevoir, et qui m'a fait beaucoup plaisir de te savoir en bonne santé; de mon côté, j'en suis de même.
Les Boches sont arrivés à Ham le 29 août [1914], quelques jours après ils faisaient [tonnés] (sic) 10.000  à la ville, ensuite ils ramassaient tous les vélos, armes et téléphones et la plupart des hommes comme prisonniers civils (dont ton père, Mr Hautecler, Baudin, sont partis), dont [ton] père [qui] a donné de ses nouvelles, ainsi que Mr Hautecler, mais Baudin n'a jamais écrit. Comme prisonniers civils, j'ai appris la mort de Mr Lescarcelle, facteur, et Ambroisiné. Les Boches ont brûlés (sic) la maison de Mr Ernest Juniet, md de grains, et celle de Mr Bourdon aux passages à niveaux. Ils ont fusillé le commis voyageur de Mr Richer (Danicourt de Micille), Mr Poette, commis chez Me Dive, fabricant d'huiles, a été condamné à 6 mois de prison pour avoir caché un téléphone. La patronne a été condamnée à 300 [...] d'amendes. 


Mr Valentin, domestique de Mr Gronier, est mort à la suite des mauvais traitements des Boches. 
Ils ont monté des [casinos] chez Mr Lejeune. Ils ... ... ... de meubles et à l'union commerciale. La Banque Museux est transformée en épicerie Boches. Ils vendent du poisson chez Mr Dégats, qu'ils vont pêcher aux étangs de Dury. Ils faisaient concerts sur la place. Les hommes qui sont restaient (sic) à Ham, passés (sic) tous les samedis la revue pour savoir, s'y ils ne s'en sauvait pas. Ils ont fait fermer tous les petits cafés. Henri Vanverville est resté à Ham, en bonne santé et toute sa famille, mais il est sans travail. Dunvicquet père et fils sont morts. Quand j'ai quitté Ham, on n'avait plus que 125 gram. de pain noir par jour, 1 kilo de riz valait 1[F] 8 [c], 1 litre pétrole 1. 25.


Espérons que cette putin (sic) de guerre sera bientôt finie et que nous nous retrouverons bientôt pour faire une bonne partie.
Cher copain ne voyant plus rien à te dire, je te quitte en te serrant amicalement la main.
Bonne chance, bonne santé.
Ton camarade
Casé Maurice, Réfugié Sembadel (Haute-Loire)

Bonjour à Albert et aux copains."


***

[CG04 (2)]

"Sembadel, le 4 août [19]15

Cher Copain,

C'est avec plaisir que j'ai reçu ta lettre ce matin. Je suis très heureux de te savoir en bonne santé; de mon côté, j'en suis de même, et pour le moment je prête la main à la [fanaison]. Des correspondances des copains, j'en reçois souvent. Alfred Delvigne, Charles Dives, Lécuyer Marcel, Harboux, tous en bonne santé. Lécuyer a chopé un filon, il est cuisto. Comme tué, j'ai appris Ducateau, marin, mort aux Dardanelles, Lebeau, Lafeuille, Dunvicquet, Avronçart, Pavent lui est blessé. 


Dernièrement, Alfred Delvigne m'écrivait et m'engueulait parce que je ne t'écrivait (sic) pas. Si cette putin (sic) de guerre dure encore longtemps, ils ne seront pas [deux] ce[ux qui] reviendront. Si sur ma dernière lettre, je ne t'ai pas parlé de ta famille, c'est que je comptais que ta tante M Bastide t'en avais (sic) causé. Et bien ! chez vous, tout le monde est en bonne santé (crois-moi). Ta future femme et sa petite fille, elle[s] se porte[nt] très bien. Comme nourriture, c'était maigre, tout le monde en était là. 
On n'avait que 125 gram. de pain noir par jour, on ne trouvait plus de bœuf, ni de porc, rien que du cheval.  litre pétrole valait  1f 25, 1 kilo de riz 1,20 et bien du mal à en trouver.
Mais tu sais lorsque l'on [est] dans un bistro, on pouvait toujours s'arranger avec un Boche pour avoir un pain K. K. Moi, j'en sais quelquechose (sic), car je servai[s] à boire à l'habitude. Les Boches n'ont pas fait de misère chez vous, et je ne sais même pas s'y il y a eut ... des pertes chez vous. Tu vois, cher copain, ne te fai[s] pas de mauvais sang au sujet de ceux qui te sont chers. Tout va bien chez vous.
Moi à l'habitude, j'en ai vu des cruelles, ces vaches-là m'ont fait coucher 2 fois à leurs corps de garde et 1 fois au château parce qu'à 8 heures 1/2, j'étais encore dans les rues.


Cher Jules, ne voyant plus rien à te dire, je te quitte en te serrant bien amicalement la main.
Ton ami pour la vie.
Maurice

Bonjour à tes cousins, à Fernand, ton beau-frère, et à tous les copains.

Quand referons nous une vieille cuite ensemble et un vieux quinze [?]
Le jour où nous nous retrouverons ensemble à Ham, quelle bombe [!]

Au revoir vieux poilu "


***
Commentaire :

Le pain K. K., dont parle Maurice Casé dans la seconde lettre, n'est autre que le pain de guerre allemand à base de pomme de terre (le Kriegskartoffelbrot), distribué aux prisonniers de guerre dans les camps allemands pendant la Première guerre mondiale.

***
HAM SOLDATS ET PRISONNIERS CG04 (1-2)

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