SCEAUX (92) - REVUES

 


Henry SOULANGE-BODIN
"La Grande pitié d'un domaine historique"
Le Figaro. Supplément artistique, 1er mars 1928, n° 183, p. 306-307
29,5 x 22 cm
Ham-Paris, collection Beaurain

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Légende de l'illustration de couverture :

FELIX OLLIVIER. - PAVILLON D'ENTREE DE LA COUR D'HONNEUR ET GROUPE DE COYSEVOX

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Contenu de l'article :


Légendes des illustrations :

En haut : FELIX OLLIVIER. - JONCTION DU GRAND CANAL ET DU CANAL DE SEIGNELAY. Aquarelle.
En bas : Les terrains à lotir sont indiqués sur ce plan par des hachures. Dans la moitié des parties A, B, C, D. on ne pourra construire que des maisons à deux étages, le reste étant réservé à des jardins particuliers. Des constructions plus élevées pourront être édifiées dans le terrain situé entre le chemin de fer et la route de Paris à Orléans.

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" Pendant l'automne de 1923 le département de la Seine se portait acquéreur du domaine de Sceaux. et le grand public avait applaudi à cette heureuse nouvelle : un des chefs-d'œuvre de Le Nôtre allait être ainsi être définitivement sauvé, et cette région de Paris si peu riche en espaces libres, posséderait enfin son bois de Boulogne.
Puis le parc de Sceaux a timidement entr'ouvert ses portes... Quelques pèlerinages furent organisés et défilèrent devant les restes précieux de son ancienne splendeur; visites émouvantes par la foule des souvenirs historiques qu'à chaque pas elles évoquent.
Le pavillon de l'Aurore et son plafond par Le Brun rappelèrent les fêtes de la duchesse du Maine. Peu après avoir admiré cette cathédrale de verdure au somptueux tapis de lierre : l'allée du Haa, un arrêt se faisait devant la pente rapide qui laisse encore deviner l'emplacement des grandes cascades...
La visite de l'Orangerie était empreinte de tristesse et de mélancolie. Comme elles paraissaient loin, les fêtes somptueuses où l'Opéra avait été transporté pour distraire, au milieu d'une débauche de tapisseries, toute la cour de Versailles ! Maintenant, le toit s'effondre, des morceaux de plâtre tombent peu à peu et risquent d'abîmer les belles sculptures de la corniche attribuée à Tuby. Ces journées pleines de poésie et chargées de sensations d'art se terminaient par une promenade sur les hauteurs dominant le Grand Canal. C'est là où la musique aérienne de Lulli venait charmer les invités de la duchesse du Maine...

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En haut, à gauche : FELIX OLLIVIER. - L'OCTOGONE ET LA DECLIVITE DES ANCIENNES CASCADES. Aquarelle.
En bas, à droite : FELIX OLLIVIER. - MIROIR D'EAU ET ERRASSE DU PAVILLON DE L'AURORE. Aquarelle.

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Et voici que depuis quelques mois un voile mystérieux semble avoir été jeté sur le parc de Sceaux; les autorisations de visite se font de plus en plus rares. On semble préparer un sort, et lequel !... à l'un des sites les plus harmonieux de notre Ile-de-France.
Il avait été prévu au moment de l'acquisition du domaine qu'une partie serait vendue. Les jardins de Colbert devaient être respectés ; les maisons qui seraient construites ne dépasseraient pas deux étages et établies à une distance respectueuse de la bordure des jardins. Grâce au plan soumis par M. Forestier, les grandes lignes de l'œuvre de Le Nôtre étaient conservées et les bâtisses nouvelles, masquées habilement par le rideau naturel formé par les arbres du parc. 
Mais la satisfaction des amis de Sceaux fut bientôt remplacée par un sentiment d'inquiétude. Une société de lotissement venait de préparer en hâte des projets redoutables qui, s'ils avaient été exécutés à la lettre, auraient pu compromettre gravement la beauté de l'ancienne création de Colbert.
En effet, en examinant le plan de mise en valeur du parc de Sceaux, publié ici, il semble que les maisons s'avancent d'une façon inquiétante sur les jardins, gâtant l'aspect des dehors de l'Orangerie, menaçant la perspective du Grand Canal.
Heureusement, le Conseil général a su faire accepter des clauses rigoureuses qui permettent de sauvegarder la beauté du chef-d'œuvre de Le Nôtre. On ne pourra, est-il formulé dans le cahier des charges, bâtir que sur la moitié ou le tiers du terrain acheté, c'est dire que les jardins particuliers devront être aménagés devant les maisons édifiées en bordure du parc et ne dépassant pas deux étages. Ainsi le Grand Canal, l'Orangerie, les parterres seront dégagés tout naturellement de l'étreinte qui semblait les menacer.
On sera tenu également de construire à dix mètres en retrait de la voie publique. Les futurs acheteurs devront fermer leurs jardins par une grille uniforme qui ne dépassera pas environ deux mètres, supprimer tout pignon (ou le couvrir de lierre). Il leur sera interdit d'exercer toute espèce de commerce, d'établir une usine, d'abattre les arbres qui se trouvent dans les lots.
Seules les parties du parc situées entre la route de Paris à Orléans et la ligne de chemin de fer, d'une part, en bordure extérieure du lotissement parallèle au Grand Canal de l'autre, seront réservées à la construction de grandes maisons de rapport. Il y aura ainsi des demeures accessibles à toutes les classes de la société. 
Mais s'il nous faut formuler un regret, c'est celui de voir sacrifier soixante-douze hectares de ce beau parc !... Une pareille opération n'était pas primitivement envisagée. 
Et, cependant, comment trouver les sommes considérables qui sont nécessaires pour remettre en état, recreuse le Grand Canal, complètement envasé, refaire le toit de l'Orangerie qui est en train de s'effondrer ? La mise en valeur du domaine de Sceaux permettra de procurer au département des sommes considérables. Et les jardins de Colbert et de la duchesse du Maine pourront, grâce à une restauration des plus urgentes, êtres livrés, enfin, à l'admiration des Parisiens. "

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SCEAUX DOMAINE REV07

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